Philippe Meirieu en conférence aux Amanins

Education Montessori

Dans le très verdoyant cadre du centre agroécologique des Amanins, qui abrite également une école basée sur la pédagogie de la coopération (http://www.lesamanins.com), Philippe Meirieu a animé une conférence ayant pour thème: Apprendre avec ses mains et la nature : un impératif aujourd’hui ?

« L’urbanisation, les modes de consommation, les modes de vie et la virtualisation du monde éloigne l’enfant de la Nature » commence-t-il. Le cadre est posé.

Il nous informe tout d’abord que 8 enfants sur 10 n’ont jamais rien planté et que 6 enfants sur 10 n’ont jamais rencontré et observé un animal autre qu’un chat ou un chien. Que cette virtualisation du monde permet à l’enfant de continuer à croire qu’il est le centre du monde, tout puissant.

Or, le rôle de l’éducation est d’accompagner l’enfant dans la découverte de l’altérité. L’aider à passer du stade d’être-infantile dans lequel naît l’enfant (puisqu’il est son propre centre du monde (et celui d’autres adultes parfois)) à un stade d’être-sujet.

Projet Jardin avec l’Association Jafa de St Gervais sur Roubion

Cette découverte de l’altérité revêt trois formes différentes.

La découverte de l’altérité de l’intentionnalité de l’autre « les autres ne sont pas exclusivement tournés intentionnellement vers moi ». Elle permet à l’enfant de mieux comprendre les gestes puis les paroles des autres et ainsi de faire avec l’intentionnalité (différente de la sienne) de l’autre.

La découverte de l’altérité de l’objet, c’est à dire de la résistance de l’objet, permet de limiter, de fait, la toute puissance de l’enfant. « Le manque de contact avec l’objet qui résiste, à cause de la virtualisation, mène à la toute puissance et amène à une méconnaissance de la réalité, de la Nature et du monde » précise Philippe Meirieu.

La découverte de l’altérité du collectif, du faire ensemble, permet l’émergence des conditions de la vie en société. « La normativité (et non la normalisation) est la construction, par différents êtres humains, d’une structure normée permettant de faire ensemble. […] Chacun doit trouver sa place au sein du collectif » explique Philippe Meirieu.

« La découverte de l’altérité, c’est la découverte de tout l’écosystème, c’est infini. C’est sortir de l’infantile pour s’inscrire dans l’écosystème: tout agit sur tout, la solidarité est un fait! » L’altérité forme la responsabilité de l’enfant et permet la naissance de l’être-sujet.

Philippe Meirieu, explicite ce qu’il entend par « être-sujet » à travers dix propriétés qui le caractérisent:

L’être-sujet n’est plus le centre du monde et peut donc prendre sa place dans le groupe avec ses droits et ses devoirs.
L’être-sujet est capable de sursoir à ses impulsions, de mettre de la distance avec l’immédiateté et donc de s’exprimer.
L’être-sujet parvient à transformer son désir de savoir en plaisir d’apprendre donc de s’impliquer dans des projets qui lui permettent de surmonter des obstacles. Philippe Meirieu nous dit « comprendre devient plus satisfaisant que de réussir ».
L’être-sujet distingue ce qu’il fait de ce qu’il apprend, il est capable d’identifier l’objectif, la connaissance et de pouvoir la réutiliser, la transférer à une autre activité.
L’être-sujet se décentre et entend le point de vue des autres.
L’être-sujet peut fixer son attention, s’investir pleinement physiquement ou mentalement. Philippe Meirieu explique que « l’attention est un phénomène collectif qui est favorisé par la mise en place de situations ritualisées ». Or, dans la pédagogie de Maria Montessori, l’enfant a le temps et l’espace pour s’investir physiquement et mentalement grâce à un aménagement très structuré, des normes de fonctionnement et des habitudes collectives.
L’être-sujet, est capable de se dégager de l’emprise, de l’attente des autres à son égard.
L’être-sujet distingue le savoir et le croire en interrogeant systématiquement la validité des discours. « Le savoir c’est quelque chose qui n’exclue personne et qui est divisible à l’infini » nous précise Philippe Meirieu.
L’être-sujet intériorise l’exigence de précision, de justesse et de vérité. Ce qui est au coeur de l’attitude éducative à travers la réflexion méthodologique.
Enfin, l’être-sujet métabolise les pulsions qui l’habitent, c’est à dire qu’il fait sien ce qui le nourrit et l’aide à grandir.

Il conclue par le fait que si on apprend avec ses mains et avec la Nature c’est pour mieux humaniser le monde, pour s’éloigner de la virtualisation et s’ancrer dans l’humain. Ce n’est pas pour pour rêver à une Nature inchangée, intouchable, mais pour s’approcher d’une nature humanisée c’est à dire solidaire, faite de partages plus doux et plus viables, de s’inscrire vers un bonheur inachevé… mais à construire!

Très belle conférence qui permet à l’éducateur de s’ancrer dans le réel et dans l’humain!

Alors, même si de nombreux moyens sont à notre disposition pour aider nos élèves à quitter l’infantile pour s’approcher de l’être-sujet (matériel de vie pratique, matériel sensoriel, cadre structurant, matériel de zoologie ou de botanique, projets jardins, élevages, jeux coopératifs…), Philippe Meirieu nous rappelle que le plus important c’est l’humanisation de la société à travers l’intégration de chacun dans l’écosystème. Et c’est à mon avis en cela que notre rôle d’éducateur est enthousiasmant et notre posture d’enseignant primordiale! Non?

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Stéphanie Chaudron
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